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« BARAZA SHAURI LA JAMAA », une structure communautaire de médiation des conflits dans la cité de Kiliba

« BARAZA SHAURI LA JAMAA », une structure communautaire de médiation des conflits dans le groupement de Kagando, cité de Kiliba dans la plaine de Ruzizi
C’est depuis 2017 que le programme MAnU est en train d’être exécuté à Uvira par le consortium SPR – CDJP/Uvira – DIOFAP avec l’appui du consortium MM-Caire Pays Bas-Tonzangana financé par le ministère néerlandais des affaires extérieures et Coopération au développement.

Visant à atteindre plus de fruits dans l’implémentation de ce programme, la SPR a recouru à l’approche communautaire. Après le renforcement des capacités des différents membres communautaires (autorités administratives, religieuses, coutumières, femmes et jeunes leaders…), la SPR a constitué des groupes de base (groupes de plaidoyer communautaire) dans la plaine de Ruzizi (Kawizi, Kiliba, Runingu, Kashatu) et les moyens et hauts plateaux d’Uvira (Ndegu, Katobo, Kahololo et Marungu). Pris pour des sentinelles communautaires en matière de violation des droits humains dans leurs communautés respectives, ces GPC se chargeaient aussi de plaider auprès des autorités locales afin qu’elles tiennent compte des besoins spécifiques des femmes dans leurs nominations. A cela s’ajoute les échanges communautaires et les actions de plaidoyer.

En effet, en avril 2021, un dialogue social et une table ronde furent organisés dans cette partie. Il sied de rappeler que le dialogue social consistait à « l’analyse communautaire des normes et pratiques discriminatoire à l’égard des femmes », tandis que la table ronde était axée sur « le mariage civil comme un des moyens de la sécurité des femmes au foyer ». Ce fut aussi l’occasion de collaboration des programmes MAnU et Femme au Fone, deux programmes axés sur la résolution 1325 et financés par les pays Bas.

Il sied d’informer que lors de ce dialogue social d’avril 2018, le chef de groupement de Muhungu qui, en 2017, était hostile à la participation de la femme dans la gestion de la chose publique dans son entité, a aussi signé un acte d’engagement pour la promotion des droits des femmes. En en 2019, il a été sélectionné comme l’un des hommes modèles qui ont suivi la formation sur la masculinité positive avec l’approche « engagement de l’homme dans la lutte contre les violences faites à la femme et à la jeune fille ».

Outre cela, lors de la table ronde sur l’importance du mariage civil comme un des moyens de la sécurité des femmes au foyer, les hommes et les femmes se sont exprimés sur ce sujet. Pour les hommes :
« Je ne peux pas contracter un mariage civil parce que ce serait une corde que je me lie au cou. Cela ferait aussi que la femme minimise mon autorité parce qu’elle va se mécomporter parce qu’elle sait qu’elle est protégée par la loi ». Et d’autres de dire : « Pour moi, il est hors de question d’enregistrer mon mariage à l’état civil ; puisque si ma femme ne me donne que quatre enfants je dois en prendre d’autres pour avoir plus d’enfants ».

Les femmes pour leur part, reviennent sur les violences dont elles sont victimes et qui tirent leur source dans le manque de mariage : « J’ai eu huit enfants avec mon mari sans mariage civil parce qu’il n’a pas été à mesure de donner la dot à mes parents. Mes deux filles se sont aussi mariées dans les mêmes conditions. Un seul de mes gendres a donné une chèvre en vue de couvrir l’opprobre de la famille. A la mort de mon mari, ses frères m’ont chassé de la maison et m’ont ravi les champs». Une autre est revenue sur la situation qu’elle a connue : « J’ai 6 enfants. Mais mon mari ne sait pas que ses enfants et moi avons besoin de quelque chose. Il rentre toujours tard et ivre. Il me battait et m’a fait chasser à mon boulot ; puis nous a abandonnés pour aller vivre avec une autre femme ailleurs ».

C’est à partir des différents témoignages des participantes et participants à la table ronde d’avril 2018 et les échanges sur les normes et pratiques néfastes lors du dialogue social que que monsieur Daniel RUHANIKA, chef de cité de Kiliba, s’est engagé : «après ces différents échanges et les témoignages recueillis des un.es et des autres dans cette séance, je décide la création d’une structure locale que j’appelle ‘baraza shauri jamaa’. Ce cadre mixte se chargera des sensibiliser les membres communautaires sur l’importance du mariage civil dans nos foyers et la médiation des conflits qui sont le frein au développement de notre entité ».

Soucieux de connaitre l’évolution et l’impact de cette structure communautaire (baraza Shauri jamaa) qui est venue en appui au Groupe de Plaidoyer communautaire de Kiliba, deux ans après sa création, la SPR a constaté que cette structure a joué un rôle très important dans la sensibilisation communautaire sur le rôle du mariage civil et est même devenue un baromètre communautaire dans la médiation des conflits dans la plaine de la Ruzizi et plus spécifiquement dans la cité de Kiliba.

L’autorité administrative de Kiliba nous et d’autres membres de la communauté qui sont bénéficiaires des actions de « shauri jamaa » nous ont témoigné : « Depuis les sensibilisations de notre ‘baraza shauri jamaa’, j’ai inscrit beaucoup de mariages à l’Etat civil. J’ai même réduit les frais d’inscription qui s’élevait à 50$ jusqu’à la moitié. Et s’il y a des couples vulnérables qui viennent régulariser leur situation matrimoniale, j’inscris leurs mariages gratuitement ». Une affirmation qui a été confirmée par la population locale qui a remercié le chef de cité pour son esprit altruiste et ont remercié la SPR pour ses actions : « nous disons sincèrement merci à la SPR, à travers ce programme MAnU, qui nous a doté de ce cadre qui est venu nous épauler : ces sont les membres de ce cadre communautaire qui s’occupent actuellement de la médiation des différents conflits ici chez nous ».

Et le chef de cité de revenir sur le succès de baraza shauri jamaa : « maintenant, toutes les fois qu’on m’amène les dossiers qui demande une médiation à mon bureau, je fais toujours appel au ‘shauri jamaa’ qui est déjà une référence dans toute mon entité administrative. Je connais plus de 12 familles ont été réconciliées par la Baraza shauri jamaa. Ce qui améliore la paix sociale dans l’entité ». A son tour, il a remercié la SPR pour son travail et l’encourage à multiplier d’autres actions de ce genre dans son entité et les étendre dans toute la plaine et des hauts plateaux d’Uvira et Fizi afin de réduire les différends et/ou toutes formes de violences que nous connaissons dans cette plaide de la Ruzizi.